Manifeste

Le manifeste

Romain Humeau, soit en formation avec le groupe Eiffel, soit en son nom propre a travaillé depuis plus vingt ans sans discontinuer avec diverses maisons de disques : Warner, Labels, EMI, [Pias].

Face aux évolutions de l’industrie du disque et des usages, des supports Vinyle/Cassette/CDs, en passant par le téléchargement illégal puis enfin au streaming abonné, Il nous est apparu nécessaire de créer une structure autonome et indépendante.

Les maisons de disques financent les frais de production, de fabrication, de distribution, de marketing, etc. Vous n’êtes pas sans savoir que le revenue des ventes générées est de 90% pour la maison de disque et 10% pour l’artiste ; soit pour faire simple, 1 euro que se partageront les membres du groupe. Lorsqu’il y a profit, avons-nous la bonne et due répartition ?

Oui jusqu’à il y a quelques années encore, ce système a pu nourrir pas mal de monde : d’une part les maisons de disque, et d’autre part avec un volume de ventes somme-toute raisonnable, conjugué aux tournées, les artistes arrivaient à vivre petitement mais dignement. 

Un des rôles des maisons de disque et des Directeurs Artistiques n’était-il pas d’investir dans le développement et de faire découvrir des talents ? Ce phénomène de ruissellement, d’une juste répartition permettait à nous, public, de se régaler de disques, contenant une “oeuvre” un “tout”, d’une lampe merveilleuse dont pouvait apparaître un improbable génie. Notion de diversité, recherche, risque, brassage, large éventail de choix et directions pour le public… La culture et l’intelligence en somme.

Or, maintenant que tout ceci est bel et bien fini du côté maisons de disques, ne pouvant plus investir dans ce travail là (concentration du marché, réductions des effectifs, juniorisation des rôles, etc.), le sujet principal, la musique, a progressivement été détourné vers les chimères du produit, de l’entertainement cheap, le marketing des influenceurs “à l’insu de leur plein gré” !

Comment l’artiste peut-il s’y retrouver ? Collaborer avec d’autres auteurs, producteurs, réalisateurs, grandir en partageant ? Non puisqu’ils disparaissent à petit feu, à l’instar des budgets qui fondent. Financièrement ? Non, rapport aux revenues du stream reversés aux ayant-droits, il s’agit d’une spoliation en règle des droits d’auteurs. Quelques dizaines d’euros pour plus d’un million de streams…

Le public, en s’acquittant de son abonnement, pense rémunérer les artistes qu’il aime, qu’il écoute, mais à son insu engraisse avant tout les plateformes et les majors. Sans en écouter une seule seconde, la poignée de stars du moment est inévitablement sponsorisée et enrichie par ce système : licence globale versus répartition équitable ?

Et pour quelle qualité sonore, pour quel coût écologique ?

Même combat pour les auteurs de BD, même discours du moment, les sculpteurs, poètes, auteurs, etc… C’est devenu irrespirable !

Quel artiste a envie d’être embarqué là-dedans ? Tous n’ont pas encore conscience de cela, mais ce n’est qu’une question de temps.

C’est le cas pour nombre d’entre eux dont notamment Romain Humeau, qui écrit des chansons et des musiques, jours et nuits depuis 20 ans. Les musiciens sont là, les moyens de productions (Studio) aussi, les compétences pour enregistrer, s’éditer, choisir librement ce qu’il faut faire de ce qu’il ne faut pas faire, construire sa promotion, etc. Mais surtout et avant tout, quand un public tout acquis à la cause est là, présent, aimant, pourquoi ne pas tenter de gérer aussi cette ultime phase : être sa propre maison de disque ?

Forme moderne d’artisanat. 

Quand on a entre autres écrit et réalisé douze albums, joué plus de 800 concerts ,que l’on a toujours préservé et cultivé la relation avec tout le tissu local (programmateurs, techniciens, personnels de salles, fanzines, webzines, radios indé, journalistes, photographes, fans), pourquoi ne pas imaginer, différemment, terminer le job en vendant “soi-même” ? Peut-être peu, peut-être pas, mais sûrement mieux. 

Avec les bons partenaires (choisis) nous fabriquons avec nos pognes de beaux disques. On les met dans les bacs des bons disquaires, nous les défendons avec passion, on les vend en ligne sur ce site, toujours avec une attention particulière pour chacune et chacun. Vous, comme nous, « streamez », c’est commode et dans l’air du temps. Mais en conscience on peut d’un geste faire en sorte de permettre la création suivante, le concert suivant, aider les artistes à ravir nos oreilles.

Si nous continuons, c’est parce que vous êtes là. Nous ne chiâlerons pas notre besoin de vous pour tenir bon dans le « ça va être dur ». 

Vous êtes grands, libres et vivants.

Mais nous nous permettons de compter sur vous, comme vous pouvez et pourrez compter sur nous.

Revenons un instant, un instant seulement, à notre mouton chéri : la musique. Que devons-nous, pouvons-nous faire avec ce noble, ancestral et inaltérable matériau ? Elle naît avant le langage, elle est mouvements vibratoires, comme nous, êtres vivants. Elle fait « corps »), il ne s’agirait pas de l’esquinter en l’insultant de ces dénominations : « format », « hook », « son », « flow », « contenu créé après le contenant », « accroche », pitch, plouf, pif pam poum… 

La musique est bien plus qu’un « son », elle en est une organisation non frontale et particulière côtoyant son époque : un soubresaut du passé faisant peau neuve pour arroser l’avenir. Elle n’est donc pas du présent mais « le temps qui roule ». Un temps hors temps. C’est bien pour cela que nous, êtres humains, avons un rapport particulier avec elle, elle nous rappelle à ce que nous sommes : joyeusement mortels.

A chaque seconde, nous avons à coeur d’essayer de nous en souvenir…